Logement : malade chronique
Etat des lieux
La situation du logement neuf en France devient de plus en plus difficile. Le nombre de logements autorisés recule de 31 % sur un an à fin mars 2023, si on compare le premier trimestre 2023 à celui de 2022. Dans le même temps, après plusieurs années exceptionnelles pour le nombre de ventes (avec un niveau au plus haut en août 2021 avec 1.206.000 ventes sur 12 mois glissants), l’érosion du volume des transactions, amorcée depuis l’automne dernier, se confirme.
Sur 12 mois glissants, ce chiffre tombe à 1.069.000 ventes en mars 2023 – son plus bas niveau depuis février 2021 et l’impact de la crise sanitaire – soit une baisse continue depuis un an.
Selon les prévisions de la FNAIM, l’année 2023 devrait repasser sous la barre du million de transactions, pour atteindre environ 950 000 ventes sur l’année, en recul de 15 % sur un an (niveau le plus bas des sept dernières années). Cela représente plus de 150.000 transactions en moins par rapport à l’année 2022, et constituerait la 2ème plus forte baisse des cinquante dernières années.
Tensions grandissantes et sans précédent
Deux faits majeurs sont à l’origine de cette énième crise du logement, avec d’une part la chute constante (depuis les élections municipales de 2020) des autorisations de permis de construire et, d’autre part l’augmentation des coûts de financements et des restrictions à l’octroi de crédits.
Selon la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers), un programme immobilier sur cinq est abandonné ou reporté et les remontées de terrain en cours au second trimestre indiquent une poursuite de cette tendance.
La dégradation de la conjoncture économique, la hausse brutale des taux d’intérêt (passant de 1,06 % en décembre 2021 à 3,28 % en mai 2023), l’affaiblissement de l’investissement des ménages conduisent, en se combinant, à ce que logement est face à une situation si dégradée que le secteur, pour éviter que la crise s’aggrave, ne pourra passer ce cap critique sans l’aide de l’Etat.
Pour Pascal Boulanger (Président de la FPI) « le logement, ce malade chronique en France, est désormais arrivé aux urgences. Au-delà de mesures structurelles, il faut des mesures d’urgence avec une application immédiate.»
Tous les acteurs de la filière attendaient avec impatience les premières mesures gouvernementales. Elles ont été détaillées à l’issue du Conseil National de la refondation.
Logement : à l’issue du Conseil national de la refondation, les premières mesures face à la crise
Pour rappel, cette concertation inédite lancée en novembre 2022 par le ministre Olivier Klein a réuni plus de 200 entreprises, institutions, associations, élus, fédérations et personnalités reconnues dans le secteur du logement.
Pendant près de six mois, 75 réunions et auditions ont été menées par les animateurs des trois groupes de travail constitués (Redonner aux Français du pouvoir d’habiter, Réconcilier la France avec la production de nouveaux logements, Faire du logement l’avant-garde de la transition écologique) et leurs participants.
Près de 700 propositions d’action ont ainsi été recueillies, des plus urgentes aux plus structurantes pour faire émerger une nouvelle politique du logement en France.
Le 5 juin dernier, Elisabeth Borne a conclu cette concertation et annoncé les premières mesures que son Gouvernement entend mettre en place.
Ce dernier, conscient qu’il n’y a pas assez de logements et que les prix restent élevés, articule son action autour de deux axes : favoriser l’accès à la propriété et faciliter celui à la location et précise certains points destinés à soutenir le secteur. Revu de détail.
Soutenir l’accession à la propriété
PTZ prolongé
Afin de soutenir l’accès à la propriété des ménages aux revenus modestes et intermédiaires, le Prêt à Taux Zéro (PTZ) sera prolongé jusqu’en 2027.
Ce nouveau PTZ fera l’objet d’un recentrage et sera dorénavant ciblé pour l’acquisition d’un logement neuf en zone tendue au sein d’une opération de logements collectifs ou bien pour l’acquisition d’un logement ancien en zone détendue sous condition de réalisation de travaux de rénovation.
A ce stade il convient de noter que le gouvernement supprime le PTZ pour les maisons individuelles au grand dam des constructeurs de maisons individuelles. A suivre…
Faciliter l’accès au crédit
Afin de fluidifier l’accès au crédit et d’éviter tout phénomène de blocage lié à un calcul trimestriel du taux d’usure, le Gouvernement, sur proposition motivée du Gouverneur de la Banque de France, a décidé de mensualiser le calcul du taux d’usure jusqu’au 1er juillet 2023. Cette mensualisation sera prolongée jusqu’à la fin de l’année.
Accélérer le développement du bail réel solidaire
Grâce à la dissociation de la propriété foncière et de la propriété bâtie et à l’encadrement des prix de cession, le bail réel solidaire (BRS), conclu par un Office Foncier Solidaire (OFS) avec un ménage, sous conditions de ressources, permet de développer une offre de logement en accession sociale pérenne. Ce dispositif innovant permet à des ménages d’accéder à la propriété à des prix 30 à 50 % plus faibles que sur le marché.
A ce jour, plus de 120 OFS sont agréés sur l’ensemble du territoire. Aussi, afin d’accélérer le développement des BRS, les plafonds de ressources seront révisés à la hausse afin de permettre à davantage de ménages de pouvoir être éligibles à ce dispositif.
Faciliter l’accès au crédit pour les primo-accédants
Selon la première ministre, le Haut Conseil de la stabilité financière devrait, d’ici à la fin du mois, présenter des mesures d’assouplissement des règles pour faciliter l’obtention d’un crédit aux primo-accédants.
Meilleur accès à la location
Garantie Visale
Pour les dossiers des locataires jugés trop justes par les propriétaires, la caution publique des loyers sera élargie. Cette garantie nommée « Visale » devrait doubler sur la période 2023-2027 et ainsi bénéficier à deux millions de personnes.
Le Gouvernement et Action Logement s’engagent également à étudier rapidement l’extension de cette garantie à tous les salariés saisonniers, ainsi qu’aux indépendants.
Logement locatif intermédiaire
Dans le même temps, le Gouvernement compte développer le logement collectif intermédiaire détenu par des bailleurs institutionnels, et destinée aux classes moyennes. Les loyers et les ressources des bénéficiaires sont plafonnés dans ce parc qui s’adresse aux ménages trop aisés pour prétendre aux HLM mais ne disposant pas de ressources suffisantes pour le marché privé. L’usage du loyer intermédiaire demeure très contraint : il n’est possible qu’en zone tendue, dans les communes non carencées en HLM, et ne couvre donc qu’une part minoritaire de la production de logement. Le Gouvernement voudrait le déployer dans une centaine de communes supplémentaires. L’objectif est de faciliter les mobilités géographiques et d’éviter les pénuries de main-d’œuvre dues aux difficultés de se loger dans les zones très attractives.
Fin de la niche fiscale Pinel
Par contre, la niche fiscale Pinel, qui visait le même public (classes moyennes) en bénéficiant à des particuliers réalisant un investissement locatif privé dans l’immobilier neuf, va disparaître.
Fiscalité des locations
En revanche, alors que les meublés de tourisme de type Airbnb profitent d’une niche fiscale remise en cause par de nombreux élus locaux et certains députés de tout bord, la mise à plat de la fiscalité des locations pour favoriser celle de longue durée a été renvoyée à plus tard.
Politique du logement
Un plan de rachat de logements neufs
Afin de soutenir la production de logements, CDC Habitat et Action Logement vont chacun porter un plan d’investissement ambitieux afin de répondre aux besoins en logement sur les territoires.
Au global, ce plan de soutien prévoit la commande de 47. 000 logements neufs (30.000 logements pour Action Logement et 17.000 logements pour CDC Habitat).
Évolution de MaPrimeRenov’ [Pour plus de précisions voir également article suivant]
Faire évoluer le système d’aides actuel pour le rendre plus lisible dès le 1er janvier 2024, en le structurant en 2 piliers clairement identifiés :
– pilier «efficacité», en se concentrant particulièrement sur le changement de chaudière et les petits bouquets de travaux combinant des gestes d’isolation et d’équipements de chauffage décarbonés.
– pilier «performance». Un parcours unique, ouvert à tous, qui se voudra plus simple, plus lisible et plus incitatif pour des projets plus ambitieux (autrement dit une « voie réservée » pour les rénovations globales permettant d’atteindre les étiquettes A/B/C du DPE).
….pour répondre à trois priorités absolues : baisse de nos émissions de CO2, réduction de la consommation énergétique des logements et éradication des passoires thermiques pour lutter contre la précarité.
Dans la continuité de son action, il faut comprendre que cette nouvelle évolution de MaPrimeRénov’ mettra davantage l’accent sur les rénovations lourdes, avec un objectif de 200.000 rénovations « performantes » en 2024 (contre environ 90.000 actuellement).
Montée en charge de France Rénov’
L’objectif de la feuille de route du Gouvernement est d’atteindre un guichet par Etablissement public de coopération intercommunale (EPCI) d’ici 2025.
En parallèle, l’Anah structure également un partenariat avec le réseau France Services. A partir de 2024, les ménages pourront se rendre dans leur maison France Services pour être orientés vers les bons interlocuteurs ou recevoir une assistance administrative de premier niveau dans la constitution de leur dossier.
Sur les accompagnateurs Rénov’ : l’objectif est de disposer d’ici la fin de l’année d’un vivier d’accompagnateurs agréés sur tout le territoire pour accompagner les ménages souhaitant se lancer dans une rénovation globale, à travers le parcours dédié. Cible de 4.000 / 5.000 opérateurs fin 2025.
Vives réactions des professionnels
Pour de nombreux acteurs du secteur, ces annonces ne sont pas à la hauteur des enjeux, ni sur la crise du logement neuf, ni sur les besoins en matière de rénovation énergétique, ni sur la réalité de la crise du marché immobilier vécue par les Français, singulièrement par les jeunes !
Dans un communiqué commun intitulé « CNR Logement : tout un secteur méprisé », 7 organisations professionnelles du secteur de l’immobilier et de la construction (FFB, Fnaim, Fédération des Promoteurs Immobiliers, Pôle Habitat de la FFB, Procivis, Unis et Unsfa,) s’insurgent contre les dernières annonces gouvernementales :
– Sacrifier le seul outil d’accession à la propriété dans le neuf, le Prêt à Taux Zéro (PTZ), dans plus de 90 % des communes, c’est accroître la fracture entre ceux qui ont les moyens de choisir leur mode d’habiter et ceux qui seront « assignés à résidence ».
– Supprimer le Pinel sans alternative, c’est nier le rôle du parc locatif privé pour la mobilité de nombreux Français.
– Ne rien prévoir en soutien des travaux de rénovation énergétique, après avoir annoncé qu’il faudrait investir 48 Mds€ de plus par an pour répondre aux objectifs, c’est aller droit dans le mur.
De leur côté, les acteurs du monde HLM déplorent que sur les deux principaux leviers demandés aucun ne figurent parmi dans les annonces gouvernementales :
– suppression de la réduction de loyer de solidarité et de la baisse des aides personnalisées au logement (APL) correspondantes,
– retour à un taux de TVA à 5,5 % sur toute la production de logement social (seulement un tiers est concerné actuellement).
Tous espèrent que ces annonces ne constituent qu’un point de départ. A suivre…
MaprimeRénov’ : Réforme en profondeur en 2024
À l’occasion de la réunion des acteurs du bâtiment sur la décarbonation du secteur ce lundi 12 juin, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, et Olivier Klein, ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, ont confirmé les annonces faites par Elisabeth Borne le 5 juin dernier et précisent certains points relatif aux aides MaPrimeRénov’ (3 Md€ environ dans le budget de l’Etat en 2023) qui évolueront bien, dès le 1er janvier 2024 selon une logique en deux piliers :
- Un pilier « performance » pour financer les rénovations performantes au sens de la loi, c’est-à-dire des rénovations d’ampleur. Les barèmes seront rendus plus incitatifs, en vue de s’approcher d’un reste à charge minimal pour les ménages les plus modestes s’engageant dans des rénovations d’ampleur.
- Un pilier « efficacité » qui permettra de poursuivre les aides MaPrimeRénov pour les changements de chaudière et les petits bouquets de travaux combinant des gestes d’isolation et d’équipements de chauffage décarbonés.
Les ministres ont par ailleurs précisé qu’un accompagnement personnalisé serait obligatoire dans le parcours « performance », via MonAccompagnateurRenov’.
Ils ont également annoncé :
– que cette prestation d’accompagnement serait entièrement prise en charge pour les ménages très modestes, sur tout le territoire.
– qu’au-delà, les collectivités territoriales pourront continuer de cofinancer ces prestations pour limiter voire supprimer le reste à charge de l’ensemble des ménages.
En outre le montant de référence de cette prestation pour le calcul de l’aide passera ainsi de 1.200 € aujourd’hui (programme SARE actuel) à 2.000 € en 2024.
Enfin, un nouveau programme CEE, doté de 300 millions d’euros sur 2 à 3 ans, sera créé pour financer à la hauteur des besoins cette prestation d’accompagnement.
Obligation d’installer des thermostats dans le résidentiel
Le décret relatif aux systèmes de régulation de la température des systèmes de chauffage et de refroidissement et au calorifugeage des réseaux de distribution de chaleur et de froid est paru ce 8 juin au journal officiel. Il prévoit pour les bâtiments tertiaires et résidentiels d’élargir, d’ici 2027, dans le neuf et l’existant, l’obligation d’équiper les systèmes de chauffage ou de refroidissement de modèles de régulation automatique de la température, aujourd’hui applicables uniquement à l’installation. Ceux-ci doivent permettre la régulation de la température intérieure de consigne, « par pièce ou par zone de chauffage ou de refroidissement » à un pas de temps horaire. Cela suppose par ailleurs que l’obligation soit « techniquement ou économiquement réalisable », précise le décret. Le texte ajoute en outre que le raccordement « à un système d’automatisation et de contrôle des bâtiments » (BACS) est réputé répondre à cette obligation. Le décret afférent est paru le 8 avril dernier.
Le texte vise également à « calorifuger » les réseaux de chaleur et de froid, c’est-à-dire à isoler les tuyauteries dans les bâtiments tertiaires et résidentiels collectifs pour éviter une déperdition de chaleur, notamment dans le cas d’une canalisation traversant une zone non chauffée. Jusqu’à 20 % des calories peuvent ainsi être perdues en raison de la longueur mais aussi d’un manque d’isolation de ces tuyauteries. Depuis 2018, l’obligation existait dans la réglementation thermique existante lors de l’installation ou du remplacement d’une chaudière ou d’un chauffe-eau. Le texte impose l’isolation, d’ici 2027, pour les réseaux de chaleur et de froid de tous les bâtiments résidentiels collectifs et tertiaires.
Pour accompagner cette démarche, l’aide dans le cadre des certificats d’économies d’énergie (CEE) permettra, selon le ministère de la Transition énergétique, de financer environ 25 € par mètre de réseau pour le tertiaire et 30 € par mètre de réseau pour le résidentiel. Des arrêtés sont attendus pour préciser les modalités du décret, et notamment les caractéristiques techniques de l’isolation.
L’obligation d’installer des systèmes de GTB s’étend aux petits tertiaires
La nouvelle version du décret sur les systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels (décret BACS) est parue au Journal Officiel le 8 avril 2023. Ce nouveau texte modifie celui du décret BACS initialement publié le 20 juillet 2020.
Il rend obligatoire l’installation de système d’automatisation et de contrôle (ou GTB) sur les systèmes techniques (chauffage, refroidissement, ventilation, production d’eau chaude sanitaire, production d’électricité…) des bâtiments tertiaires existants et neufs « d’ici le 1er janvier 2025 pour ceux possédant des systèmes de plus de 290 kW et d’ici le 1er janvier 2027 pour ceux équipés de système de plus de 70 kW. » L’objectif ? Suivre et analyser la gestion énergétique des bâtiments.
Un nouveau seuil de 70kW
Jusqu’à présent, le décret BACS s’appliquait aux bâtiments disposant d’un système de chauffage et de climatisation d’une puissance nominale de 290 kW, soit la plupart des bâtiments de plus de 2.000 m².
Le nouveau seuil de 70 kW revient à élargir le parc immobilier assujetti par l’obligation, à l’ensemble des bâtiments de superficie supérieure à 1.000 m², donc ceux visés par le dispositif Éco-Énergie Tertiaire pour les aider à réduire leurs consommations d’énergie.
Par ailleurs, la clause de dérogation pour motif économique s’est durcie et le propriétaire ou locataire du bâtiment doit démontrer que le retour sur investissement du système de GTB dépasse 10 ans pour être exempté, contre 6 dans la version initiale. Un arrêté vient préciser les modalités de calcul.
De nouvelles exigences d’inspection
Pour qu’ils restent performants dans la durée, le décret introduit en plus une exigence d’inspection périodique de ces systèmes de gestion technique du bâtiment tous les 5 ans et dans les 2 ans qui suivent l’installation ou le remplacement d’un système technique relié à la GTB. Un arrêté définit les modalités d’inspection, pour un maintien en bon état de fonctionnement. L’inspection devra notamment comprendre des informations générales sur le bâtiment (adresse, localisation, dates d’installation et d’inspection…) et les systèmes mis en place (plans, liste des systèmes techniques, modes de régulation…), l’évaluation des systèmes d’automatisation et de contrôle (vérification du bon fonctionnement des appareils de mesure, d’actions en cas de détection d’une dérive…) et fourniture de recommandations sur la régulation des systèmes (ajustement des besoins de chauffage et refroidissement, remplacements…).
Des primes CEE Bonifiées
Ce décret BACS révisé s’accompagne d’aides renforcées, avec des primes CEE (Certificats d’économie d’énergie) bonifiées jusqu’au 31 décembre 2023 : doublées pour l’installation d’une GTB neuve à fort rendement énergétique (classes A ou B) et multipliées par 1,5 pour le remplacement d’une GTB standard (C ou D) par un système plus rentable d’un point de vue énergétique (classes A ou B). L’investissement s’en trouve réduit et le retour sur investissement plus rapide.